Boca Chica est une petite ville côtière tout près de Saint-Domingue, la capitale de la République Dominicaine. La plage de Boca Chica est fréquentée autant par les touristes étrangers que par la population locale de la grande ville tout près, ce qui en fait un endroit exceptionnel pour goûter à la culture dominicaine. Ce soir, en marchant dans les rues de la ville, je pense avec nostalgie que rien n’a changé, mais tout est différent à la fois. Le son de la bachata qui résonne avec cacophonie dans les rues est resté le même. Les petits étals de « pica pollo » (poulet frit) un peu partout n’ont pas changé non plus. Pourtant, je réalise que j’avais une vision idyllique de l’endroit.

 

Boca Chica RD 12 2017 6442

Parfois, il faut revisiter les lieux de nos souvenirs chéris pour voir la réalité sans artifice, sans le filtre embellissant des souvenirs. La ville n’a pas vraiment changé, c’est mon regard qui n’est plus le même. Notre mémoire dépeint souvent les endroits où nous avons été heureux et y ajoute les couleurs des émotions vécues comme le fait le peintre qui fige l’instant présent sur sa toile.

Je réalise surtout que la beauté de la ville, quand j’y ai séjourné la dernière fois, n’émanait pas simplement de l’apparence matérielle de l’environnement. Mais que ce souvenir se mélangeait inextricablement avec le sentiment d’un nouvel amour. Il m’est impossible, en marchant seule ce soir, de retrouver ce sentiment d’inhérente beauté.

Je décide de ne pas laisser la nostalgie m’envahir, et je me redis cette phrase tirée de la liturgie de mon enfance : « Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia, alléluia » que je chante quelques fois et voilà. Il est temps pour moi de changer mon prisme mental. Je pense alors, en souriant, à quelqu’un que je connais. On dit de lui qu’il a des lunettes à « marde » (merde en bon français). Tous les événements de sa vie, qu’il regarde toujours avec ses fameuses lunettes, passent à travers ce filtre négatif qui obscurcit et déforme même les plus beaux moments. Il revient à moi seul de choisir les bons verres ajustés pour les sertir dans la monture de la vie. Je trouve le modèle parfait, il permet de voir le beau et la joie autant de près que de loin. Il n’a qu’un seul défaut, mais c’est comme dans la vie, il faut nettoyer régulièrement les verres pour conserver leur effet filtrant positif.

« Sois heureux tu le mérites bien, Julien » me dis-je en sortant mes clés, de retour à l’appartement.