Qui d’entre vous accepterait de payer pour faire changer un pneu à 60%.

On ne demande pas la composition chimique du caoutchouc à quelqu’un dont le travail est de mettre le pneu de secours d’une voiture en panne. Dans ce cas, on veut simplement savoir s’il est capable de bien effectuer toutes les étapes. De l’enlèvement sécuritaire du pneu jusqu’à son remplacement en s’assurant bien que les boulons sont bien serrés. Tout le monde s’entendra pour dire que dans un cas comme celui-ci, un étudiant au cours de changement de pneu 101, qui aurait réussi à 60% les étapes se voyant alors accorder la note de passage resterait quand même incompétent. Cette tâche pour avoir une valeur doit être maîtrisée à 100%.

Dans notre vie quotidienne, nous évaluons constamment le travail sur la base des compétences, lesquelles doivent être réussies à 100% pour que le résultat soit utilisable. Voilà donc tout le questionnement de l’approche par compétence, la cible des apprentissages fondamentaux pour une tâche donnée doit être fixée en relation avec les éléments de la tâche à effectuer. Cette approche nécessite un travail d’évaluation sur mesure de la part de l’enseignant. Chaque situation devenant parfois un cas d’espèce. C’est normal, en tant que professeur, d’exprimer une certaine résistance à cette nouvelle façon de faire. Pour ma part, j’ai pris position dans le débat de l’approche pédagogique, compétence ou connaissance ? Je crois qu’il faut prendre garde de considérer uniquement une approche plutôt qu’un autre. Parce qu’inévitablement, l’acquisition de toute formation nécessitera également l’ingurgitation d’une certaine dose de connaissances et cela pour tous les domaines d’études.

Le Québec a fait le virage de l’approche par compétence, obligation ministérielle, décision qui vient d’en haut. La réforme tarde à s’installer complètement dans les habitudes et les méthodes d’enseignement. Pour ma part, le questionnement demeure entier, cependant, je crois l’approche par compétence plus adaptée à un développement progressif des capacités. La question fondamentale demeurant l’évaluation des dites compétences. Prenons l’exemple d’une dictée. Dans ce cas la compétence à la fin du cours serait, par exemple, d’être capable de faire la dictée de 300 mots et d’obtenir disons une note de 80%. Normalement, si nous nous faisons faire la dictée aux étudiants, la note du début de la session pour le contrôle devrait être de 30% et moins pour presque tout le monde, au milieu de la session 50% et à la fin 80% et plus. L’approche traditionnelle de l’évaluation progressive pourrait amener alors à l’aberration suivante, un étudiant qui obtient la note de 80% à la fin du cours sans se voir attribuer la note de passage, même s’ il réussit le dernier examen à 80%. Le cumulatif et la moyenne de toutes ses notes ne lui donnant pas la note de passage. En véritable approche par compétence, cet étudiant devrait passer le cours puisque la finalité fondamentale de celui-ci est atteinte.

Je n’ai pas de réponse exacte à donner concernant les modes d’évaluation avec l’approche par compétence, tout ce que je peux en dire pour le moment, c’est le constat qu’il faudra se fier de plus en plus à notre jugement professionnel. Ceci nous amène inévitablement à nous questionner sur nos méthodes d’enseignement et d’évaluation. Comment pourrions-nous expliquer à quelqu’un qu’il passe sont cours au cumulatif des points, mais qu’il a un échec parce qu’il n’est pas capable d’utiliser les connaissances dans un contexte réel, ou de réussir une épreuve de compétence. Sans des critères objectifs et mesurables, c’est une tâche impossible à faire, l’enseignant se retrouve ainsi sans outil pour justifier son évaluation. Et les critères pour réussir sont parfois globaux. Tout ça suscite évidemment plus de questions que de réponses, chacun y trouve cependant sa façon de faire.

La réalité est bien plus complexe que ça, bien sûr, comme enseignant nous sommes constamment aux prises avec des décisions qui doivent tenir compte des règlements pédagogiques des départements, de l’institution, des retards des travaux, présences aux cours, etc. Également, il faut se rappeler sans cesse que la réussite d’une tâche est le résultat de la compétence complète d’une série d’étapes. Qui accepterait de faire changer une crevaison, sans que les boulons ne soient serrés convenablement. Ainsi, il arrive parfois que le cumulatif des notes ne suffit plus à faire une évaluation complète du résultat final, il faut alors regarder globalement par rapport à l’atteinte des objectifs en regard du travail à livrer. Ceci demeure évidemment une tâche risquée parce que les critères ne sont pas absolus et qu’il faut pouvoir justifier ses décisions face au regard de ses pairs et des autres étudiants du même groupe.

L’approche par compétence est là, je crois sincèrement à cette approche, cependant, j’essaie de ne pas en faire un absolu, puisqu’également il faut des connaissances pour être compétent, une approche seule, ne suffit pas, tenir compte de tous les facteurs et exprimer une opinion personnelle sur un résultat. Voilà, un rôle essentiel de l’acte professionnel d’enseigner.{jcomments off}