Épargner 1.35$ et rencontrer Dieu comme résultat

La soif de savoir le pourquoi de la vie et notre besoin d’absolue face à finitude de l’existence humaine nous obligent à vivre notre expérience humaine à fond. Jean Monbourquette écrit dans son livre À chacun sa mission à peu près ceci «Chaque vie humaine est précieuse parce qu’elle est unique, personne ne peux vivre notre vie à notre place». À ceci je réponds qu’il est agréable de mordre dans la vie comme dans une pomme bien juteuse et d’apprécier intensément cet instant de délice. En ce moment je suis à Rio de Janeiro alors je dirais: «déguster une mandarine bien fraiche au parfum exquis profitant des éclats de bonheur générés par mes papilles gustatives en effervescence» d’une manière tropicale.

Je profite de chaque seconde du temps passé, mais comme en toute chose, il y a ces moments d’intensité qui nous insuffle une force nouvelle. J’ai contemplé aujourd’hui toute la beauté du monde. Rio, La ville merveilleuse, comme disent les Brésiliens. C’est une ville sur le bord de la mer avec des plages magnifiques, construite autour de pitons rocheux de près d’un kilomètre de hauteur. Ces sommets traversent les nuages parfois, en raison de la proximité de la mer ils déplacent à basse altitude. Le matin, du haut de la montagne où j’habite, le soleil  éclaire la ville de tan de couleurs qu’elles ne portent pas tous un nom. Les bleus plus bleus que bleu, les millions d’oranges et de jaunes, les rouges, écarlate et vermeil, les verts tendres de jeunes pousses, les kakis et les autres, glisse sur la mer dans des reflets changeants et passent à travers les arbres dans des reflets exquis.
Assis dans le train du mon Corcova, celui montera jusqu’au Christ Rédempteur dans quelques minutes en passant sur le bord de la montagne je pense à la vie, une peu distrait, songeur. Le train démarre alors me tirant de ma torpeur, me ramenant à cet instant de maintenant, rutilant, un peu incertain comme pour prendre son souffle en prévision de la montée prochaine. Rapidement, malgré la lenteur du train, qui peine dans la montée, défilent des paysages de plus en plus impressionnants.  Je prends alors conscience de toute la chance que j’ai, je suis dans la Cité merveilleuse «a Cidade maravilhosa» en portugais. Monter jusqu’au Christ représente également un acte de foi, pas uniquement un objectif touristique, mais aussi la réalisation symbolique d’une quête spirituelle. J’ai les émotions à vif, les larmes coulent à flot. Depuis des mois, dans ma vie, je suis dans une routine déconcertante : travail, maison, cuisine, scooteur, internet et télévision jusqu’à me souler d’images presque.  
J’ai fait de plus loin que moi un voyage pour m’oublier, et voilà que je finalement je me retrouve ici et maintenant. Je suis arrivé au sommet. La beauté des lieux me coupe le souffle, elle s’étale dans toutes les directions et ne peut s’exprimer ni par les mots, ni par les photos que j’ai prises dans tous les angles possibles. Je me retrouve au pied du Christ, et je prie pour tous ceux et celles que j’aime. Je me laisse toucher par l’intensité du moment. Je goute chaque seconde avec délectation. Alors que je remplis mes poumons de l’air, je ressens chacune de mes inspirations comme une ode à la beauté du monde. Mes poumons gorgés de l’air frais du sommet expulsent d’un souffle rapide l’oxygène inspiré, et se hâtent d’inspirer à nouveau la vie même de la vie qui s’offre à moi.
Vient alors le temps de redescendre, l’expérience du somment ne peut durer. C’est ce qu’on apporte ensuite dans notre quotidien qui transcende l’exaltation pour en faire une force intérieure pour apprécier la vie dans tous ces instants. Il n’y a qu’une destination, elle est dans la nature même de l’humanité, nous oublions notre finitude, mais à la fin il n’y a qu’un chemin. C’est dans le voyage sur cette route que se trouve notre vie, les peines, les pleurs, les joies, les tendresses, les amitiés, les mals d’aimer, les joies de l’amour, la douleur du mal intérieur, la joie de la libération… C’est la seule vie que nous ayons.
Parfois dans de brefs instants, nous ressentons la vie elle-même. Elle passe à travers nous, et réveille jusqu’à la plus petite molécule de notre corps et notre âme aussi. Je redescends maintenant, je réussis à garder avec moi, ce sentiment qui m’habite. Je l’apporterai jusqu’à la maison dans le haut de la montagne. Le train du Cordova termine sa descente, terminus tout le monde descend. Je reste encore au somment, même la texture rugueuse du la poignée en bois pour ouvrir la porte et sortir du train, me redit que je suis vivant, que je suis là. Chaque sensation, la lumière, les sons, le poids que mon corps sur mes pas, le vent sur mon visage, je suis là tout simplement.
J’arrive au pied de la montagne pour arriver à la maison, je veux garder avec moi au moins encore pour instant ce sentiment de plénitude. Je décide alors de gravir le chemin jusqu’à l’escalier qui mène la maison où j’habite en marchant. Laissant tomber le minibus ou la moto taxi, j’arriverai trop vite et je perdrai l’instant. Je veux vivre le chemin. (Ceux qui me connaissent diront peut-être que je voulais économiser 1.35$ en ne prenant pas de transport, mais ça, c’est une autre histoire.) Je suis ici depuis une semaine déjà, on m’a dit qu’on pouvait voir le Christ derrière la montagne. Chaque jour je scrute attentivement le ciel derrière la maison, aucune trace du Christ. En montant tout doucement à pied, je me lève la tête, et j’aperçois le mont du Corcova avec le Christ Rédempteur à son sommet. J’ai compris, Dieu est toujours avec moi, il m’accompagne et me donne la force de vivre, il m’aime sans condition. Même si chaque jour il vit en moi et avec moi, sa présence n’est perceptible que si j’accepte sa présence et que par mes décisions et mes actions je crée ma propre vie. Le plus précieuse de toute, plus que tous les diamants ou l’or de la terre, parce qu’elle est unique aux yeux de Dieu.
Que ta volonté soit faite…